Lettre de Léa Silhol à ses lecteurs sur son blog @ Myspace – 25 mars 2013
(Le présent texte est ici reproduit avec la permission de l’auteure )
La littérature, pour fonctionner, nécessite la mise en place d’un principe portant le joli nom de “suspension de l’incrédulité”. Cela consiste, pour l’auteur, à donner à sa fiction l’apparence de la “réalité”, au point que le lecteur oublie qu’il est en train de lire, pour s’immerger / ressentir / vibrer au rythme de l’histoire. Dans le cadre de cette enclave de temps presque miraculeuse, et incontestablement magique, nous échangeons notre réel contre un autre, si irréel qu’il puisse être concrètement (dans le cas, par exemple, des littératures de l’imaginaire). Pour cela, évidemment, l’auteur doit poser un décor / des personnages / une intrigue… crédibles. Pas de bon bouquin sans ce pré-requis : que cela puisse paraître réel, même si cela implique des dragons, ou des voyages dans le temps, ou… (osons) des politiciens honnêtes.
Je dois avouer que, lorsque j’ai lu le projet sur ” l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle”… mon incrédulité n’a tout simplement pas pu se “suspendre”. J’ai contemplé cet OVNI avec l’oeil ahuri qu’on réserve à un épisode de ces séries des années 80, où les costumes des monstres camouflent si peu leur matériau à base d’hydrocarbures que l’on peut presque (avec les yeux !) percevoir l’odeur du plastique.
cette “Loi”.
Ubuesque, surréaliste, dada, incroyable…. impossible.
Un hoax, forcément.
Je dois souligner ici un détail à décharge : je suis amoureuse du CPI (le Code de la Propriété Intellectuelle, permettez qu’à l’avenir je me contente du sigle, par commodité). Je suis tombée amoureuse du CPI à la première lecture. Découverte qui accompagna les travaux de création de l’Oxymore. Je m’étais mis en tête, voyez-vous, puisque les contrats des auteurs allaient dépendre de mon poste, d’apprendre le CPI, peu ou prou, par coeur. Et je lui ai immédiatement voué un amour particulier, que seules les modélisations de tétraèdres, la toujours crucifiante beauté de la quadrature du cercle et le ruban de Moebius avaient pu jusqu’alors m’arracher. Le CPI, vous voyez, était beau, cohérent, limpide, juste comme seules peuvent l’être habituellement, les suites mathématiques.
J’ai “signé”, pour l’Oxymore, quelques centaines d’auteurs, dont beaucoup d’étrangers. Et à chaque fois qu’un Américain m’a dit que nos lois concernant la littérature étaient les plus belles du monde, et à quel point ils nous les enviaient… je dois confesser avoir ressenti le pétillement (rarissime chez moi) du… chauvinisme.
Cet édifice, défendu et accouché par des auteurs engagés, a tenu longtemps. Au point que, peut-être, j’ai rêvé qu’il serait plus impossible à révoquer que d’autres institutions, pourtant plus fondatrices, que nos derniers présidents ont fait choir de leurs autels.
Je me trompais, évidemment.
Nos législateurs viennent de démontrer avec un brio digne du Cirque Pinder que passer du “meilleur” au “pire” est pour eux un exercice acrobatique infiniment aisé.
Sans aucune transition, pause, ou état d’âme, notre statut, jadis enviable (donc), est tombé au dessous, même, de la condition générale humaine, ou citoyenne.
Hier encore, il fallait attendre 70 ans après la mort d’un auteur pour que son oeuvre “tombe dans le domaine public” (j’ai toujours trouvé le mot “tomber”, dans ce cas, particulièrement intéressant à méditer).
Du vivant de l’auteur, de ses héritiers et/ou ayant-droits mandatés, et sans que l’absence des uns ou des autres invalide ce délai légal de 70 années, les créations de l’esprit étaient reconnues et protégées, du seul fait de leur existence. Nul, évidemment, ne pouvait les imprimer, publier, transmettre, diffuser etc. sans l’accord de leur auteur, et un contrat en bonne et due forme formalisant cet accord. Même les droits seconds transmissibles à des tiers (reprises en poche, Club, version radio, etc.) ne pouvaient être cédés par l’éditeur sans aval de l’auteur.
Magnifique. Logique. Équitable.
Sans transition, donc, vous vous réveillez un matin, et apprenez que “l’État” (et ses partenaires privés) s’est octroyé le droit de numériser et diffuser les “oeuvres indisponibles” publiées au XXe siècle. Hier, donc. Parce que le XXe siècle… c’était hier. Les auteurs sont, pour la plupart, encore vivants. Ils n’ont été ni consultés, ni avisés. Et leur accord n’est pas nécessaire, ni tenu pour avoir une quelconque valeur. On nous dit vaguement, sans guère plus de précisions, que des royalties seront versées, en partie aux auteurs, et en partie aux éditeurs qui ont failli, pourtant, à remplir leur devoir contractuel de maintenir l’oeuvre en disponibilité, et commercialisation, et/ou à de nouveaux éditeurs exploitants des versions numériques, qui nous seront imposés (nouveauté notable) sans choix aucun. Pas de termes négociés ou négociables, y compris sur le montant en % desdites royalties, et les dispositions contractuelles. Celui qui, régaliennement, vient d’opérer une saisie sur vos oeuvres, vous donne ce qu’il veut. Ce qui revient à dire que nous sommes devenus, donc, des mendiants, soumis à une aumône dont notre ravisseur fixe seul le montant, et la forme. A qui il donne, et combien, et, de même, à qui il s’arroge le droit de céder vos droits de publication. Publication numérique (pouah !) , avec validité de 10 années.
Voilà, vous venez de vous faire plumer. Eh, il ne fallait pas faire de vous-même des êtres de plume, non ?
N’avez-vous aucun moyen de vous y opposer ? Si. Votre nouveau proxénète n’estime pas avoir besoin de votre assentiment, mais admet du bout des lèvres votre droit à refuser l’affaire.
Afin de montrer aux auteurs tout le respect et l’estime qu’il leur porte, le système ReLIRE leur donne accès à une base où la “liste” des oeuvres éligibles est publiée.
Le pauvre auteur peut aller, si cela l’amuse, y taper son propre nom, et voir si, d’aventure, il est au menu du prochain banquet. S’il est malin, il tapera chaque titre d’ouvrage concerné, également. Le référencement fait par ces “protecteurs des arts” étant aussi défaillant que la réflexion ayant abouti à la Loi en question. Anthologies, ouvrages critiques collectifs, etc. ne sont pas listés avec le rôle de tous les auteurs participants. Si vous voulez repêcher tous vos bébés, vous avez intérêt à avoir conservé une bonne liste chronologique de vos agissements.
Une fois parvenu cette déjà bien fastidieuse étape, vous vous confronterez à une interface de déclaration en ligne dont la forme archaïque ne peut s’expliquer que par une volonté de décourager le combattant sur son trajet. Vous ne créerez pas un “profil auteur”, et vous devrez retaper vos noms, pedigrees, adresse, etc. (et capcha, bien-sûr) sur chaque fiche : une par livre, une par texte. Si vous avez été prolixe, vous commencez déjà à vous en repentir, et à maudire d’importance vos ‘bonnes fortunes’ passées.
C’est fini ? Que nenni.
On vous donnera un n°, et la liste des diverses preuves à envoyer à la BNF pour qu’ils “étudient votre demande”. Car vous allez devoir prouver, sans preuve ADN clairement définie, que le bébé est bien de vous. Ce qui signifie, évidemment, qu’ils peuvent rejeter votre demande. Les relents de malveillance, de mépris et de mauvaise-foi arrogante de tout le système sont si puissants que vous ne pouvez, légitimement, que remettre en cause l’équité du “jugement” en question.
Vous avez six mois (notez que vous n’avez pas été averti de la situation, n’est-ce pas ?). Au terme de ce compte à rebours, vous entrez dans la zone où annuler cette dépossession sera si ardu que vous préfèrerez recourir à une demande de citoyenneté dans quelque Cercle infernal made in Dante. Là-bas, au moins, le fait que tout espoir soit laissé en douane est inscrit clairement sur les huis. Il faut bien, ici aussi, reconnaître la supériorité, en termes de respect des Droits de l’Homme, de l’Hadès sur la Nouvelle-France. Et n’est-ce pas hilarant ?
Il va sans dire qu’un auteur n’est pas autorisé à refuser, en bloc, la numérisation et mise sous tutelle & curatelle par une “société de gestion collective” (comme cela sonne divinement… bolchevik) de “l’ensemble de son oeuvre”. Non non non. Cela reviendrait à rendre l’évasion un peu trop simple, n’est-ce pas ? Il devra guetter son nom sur “la liste”, et recommencer le parcours du combattant pour chaque texte.
Comment va, à ce stade, votre “suspension d’incrédulité” ?
Allons plus loin :
– Les illustrateurs logent à la même enseigne.
– Les traducteurs ne sont même pas évoqués (mais sont listés à la même enseigne)
– Et… oui, les auteurs étrangers, en totale violation des contrats signés avec les repreneurs français, et des lois de leurs pays d’origine, sont logés à la même enseigne.
Incroyable ? Certes. Mais… vrai.
Les grandes lignes du décor étant posées, examinons le talent des acteurs : Pourquoi ne demande t-on pas la permission aux auteurs ? Parce que, (wah la vache), les auteurs sont “trop durs à trouver”. C’est cela, mon cher. (nous verrons en aparté le concept hilarant des “oeuvres orphelines”). Les auteurs (alias “mendiants”) sont plus aisés à trouver pour leur donner l’aumône que pour leur proposer dignement des contrats, c’est certain !
Il ne s’agit là que d’un des chef d’oeuvres de mauvaise-foi (sur une bonne quinzaine) que recèle cette loi conçue avec les pieds, pensée du bout des dents, rédigée avec les fesses (voyez comme je suis polie) et défendue avec les compétences rhétoriques de comiques troupiers. On nous prend pour des cons ? OUI. Et on n’a même pas le respect ou la classe de nous envoyer des interlocuteurs capables de laisser peser un “doute légitime”.
Bref, c’est non seulement un outrage absolu au bon sens, au bon droit, et aux Conventions de Genève concernant le traitement des prisonniers, mais, pire encore, une insulte à notre intelligence, un affront à la philosophie, un crachat à la face de tous les auteurs dont ce pays accouche, et qu’il enterre avant de les encenser, et une infusion de vulgarité d’un tel tonneau que même Gargantua s’est reconnu incapable de la déglutir.
Il me peine de le dire, car j’ai toujours été de tempérament “gascon”, et plus disposée à prétendre mépriser les camouflets qu’à m’en plaindre, que personne, à moins d’être sociopathe, ne peut sortir indemne de l’outrage que constitue ce traitement.
Les oeuvres de l’esprit ne sont pas des productions industrielles. Elles n’en ont ni les matériaux, ni l’inertie.
Les auteurs, c’est de notoriété publique, sont par nature et obligation des créatures sensibles, dont la relation avec leur art est merveilleusement exprimée par un terme juridique de l’ancien CPI : “droit – de – paternité”. (si ce n’est pas exemplairement parlant, tous ces termes afférents à la famille, Ô amoureux de sémantique !)
Mon but n’étant pas, ici, de pratiquer l’autopsie in vivo du monstre qui nous occupe — cela a été bien fait ailleurs, en divers points du web faciles à débusquer au fur et à mesure que le buzz enfle — quittons le territoire aride et jargonesque de la Lettre de la Loi (notez le singulier) pour aller droit au pays perfide du grotesque : l’Esprit de ladite Loi, donc, ou plus précisément son absence assourdissante.
Le “facteur humain”, donc, ce grand oublié de l’opération.
THIS IS WHAT IT FEELS LIKE
de l’intérieur…
– Chercher son nom sur la liste ne se peut comparer, métaphoriquement, qu’à ces scènes cinématographiques où une mère, une épouse, un frère (etc.) cherche sur un panneau d’affichage, en temps de guerre, le nom de quelqu’un qu’il aime dans la liste des disparus et des tombés. (en espérant de façon si tangible ne pas l’y trouver)
– Voir qualifier ses oeuvres, de son vivant, “d’orphelines” est aussi destructivement choquant que l’idée que l’école / le collège / le lycée, puisse ainsi déclarer nos enfants comme orphelins parce que l’administration en question aurait égaré notre numéro de téléphone, et perdu la science du bottin. Et que donc, sur cette base d’une légèreté incontemplable, l’Education Nationale les livre, sans plus de circonvolutions, au circuit de l’adoption.
– Voir nos droits ainsi abrogés, froidement et sans palier, est un viol. Il n’y a pas d’autre mot, et il n’est pas, même ainsi, assez fort pour refléter intégralement le ressenti d’un artiste véritable ( = investi viscéralement) confronté à cette situation.
Le fait que ce viol (collectif, mais bien “géré”, n’est-ce pas) se produise dans un pays réputé “hier” pour la justesse exemplaire de ses Lois concernant les créateurs… nous oblige à ajouter qu’il se rapproche donc d’un viol commis *dans le cercle familial* (facteur aggravant s’il en est). c’est ici votre père, garant naturel de votre sécurité, qui vous viole, et vous donne à vos oncles, frères, collatéraux divers, avant de monnayer la “suite” à l’échelon national.
– Voir nos livres (nos “enfants”) « orphelins » (le terme est d’eux) nous être enlevés sans préavis et donnés à “adopter” (oui, ce terme-là aussi est d’eux) à n’importe qui est, tout simplement, exactement cela. Le reflet en réduction de ce que serait cette situation, si elle concernait nos enfants de chair, et non de papier.
– La perte de confiance en l’équité de l’État ; la remise en question des fondations-même de la vocation d’artiste ; et la perte de tout désir de relâcher un nouveau “bébé” dans ce mixer sont impossible à quantifier. Et je ne parle même pas des méditations philosophiques sur l’intérêt, stricto sensu, de continuer à vivre dans un monde aussi corrompu, amoindri, et ne se donnant même plus la peine de travestir son faciès de moissonneuse-batteuse.
AINSI PARLAIT CASSANDRE, DEVANT LES PORTES SCÉES
Nul n’a besoin d’un bien grand don de voyance pour prévoir certains effets de cette abominable transformation du CPI :
– Arrêt brutal de certaines carrières et retrait complet des auteurs sur toute île déserte accessible.
– Renonciation des “talents à venir” à s’engager, purement et simplement dans cette voie, par refus réaliste et responsable de se vouer sciemment à un système aliénant.
– Dépression chronique sur quelques milliers d’individus, et cortège afférent de “trous dans la sécu” localisés aux portillons de toutes les niches psychiatriques, centres pour alcooliques, et cliniques de désintox.
– Suicides. Oui, j’ose. Car si on s’ôte si facilement la vie dans des *administrations* pour cause de conditions de travail difficiles, harcèlement hiérarchiques et etc…. quid d’un un créneau où la vocation est aussi éloignée d’un “job alimentaire” que l’on peut l’être, et le rapport au “job” aussi passionnel que possible ?
– Refus, bien évidemment prévisible, des auteurs et éditeurs étrangers de céder les droits de traduction et publication aux éditeurs français, par crainte légitime du devenir des dites traductions si l’éditeur français venait à ne pas maintenir la disponibilité du livre. (on croit rêver !)
Bénéfice net :
– Des dégâts massifs et inévitables sur la production des auteurs déjà en activité.
– Des dégâts massifs et inévitables sur la production future des auteurs francophones ne relevant pas à titre personnel d’un courant SM.
– Des dégâts massifs et inévitables sur le quota des oeuvres étrangères proposées en traduction française.
= un appauvrissement inévitable de l’offre, tous rayons confondus. Des litiges internationaux à n’en plus finir. L’exacerbation des clivages entre les acteurs de la chaîne du livre. Une baisse afférente de la qualité de vie tant des producteurs que des consommateurs.
Le ravalement de la culture et de ceux qui la “produisent” à un rang inférieur à celui des serfs du moyen-âge.
Une production littéraire post-2013 prévisiblement inférieure à celle pré-2013, aboutissant au postulat que l’État estimerait, donc, que les oeuvres indisponibles du XXe siècle avaient été, bien qu’écrites par des serfs, d’une qualité inhérente plus élevée (d’où obligation vitale de les rendre “disponibles” au détriment de leurs créateurs) que tout ce que le XXIeme siècle pourrait nous donner, si nous ne nous acharnions pas à l’amputer de ses ailes (plumes comprises, cela va de soi).
Bien évidemment l’Etat ne pense rien de tel.
Si les rédacteurs de cette pantalonnade ont “pensé” de quelque façon que ce soit, avant de pondre ce chef-d’oeuvre, ils l’ont fait dans un mode binaire ne permettant pas à des êtres humains de le déchiffrer.
Mais… essayons.
TENTATIVE DE PARLER LE SABIR DE L’ALIEN QUI PRÉTEND NOUS RELIRE
La valeur, l’utilité, la *nécessité* de la Culture n’a pris aucune place dans la conception de cette soi-disant “Loi”. L’Argent, seul.
Devrait-on dédouaner les rédacteurs de ce massacre, sous prétexte qu’ils sont si visiblement illettrés ? Des esprits plus pragmatiques que le mien le pourraient peut-être, si ces bouffons se montraient meilleurs comptables que penseurs. Mais s’il s’agit ici de générer du profit sur la laine des jeunes moutons, / sous la justification à demi avouée de financer le programme de numérisation des oeuvres des morts en égorgeant à vif les vivants / … alors l’opération, même inique, peine à tomber plus droit (à défaut d’oser dire ‘plus juste’) que ces vagues justifications culturelles. C’est brader le présent et l’avenir de la Culture pour un petit prix, pour des miettes, des rogatons, et des pièces plus jaunes que la face desdits législateurs, (ou le manque éclatant de Face d’iceux, selon le patois de Marseille). C’est bien cher payer, pour un bénéfice aussi médiocre, que d’infliger une violence aussi massive à une minorité, quelle qu’elle soit, de sa propre population.
L’injustice flagrante, si institutionnalisé qu’elle soit, n’en est pas pour autant *rendue* légale. Une Loi indéfendable, conçue par des fous pour des hommes-bouliers (incompétents de surcroit), votée un jour de somnolence par quatre barbons cacochymes dans un hémicycle pompeux, – si doré sur tranche qu’il soit-, n’y gagne pas la légitimité morale et juridique que le bon sens, le bon droit, et le la base-même de nos philosophies éthiques lui refusent.
Une loi illégale n’a pas force de loi, quelles que soient les apparences qu’elle se donne. Principe d’invalidation que même les Lois reconnaissent, et pour cause. La pomme de l’abus ne tombe jamais bien loin de l’Arbre des puissants, c’est l’axiome-même de la “tentation”, n’est-il pas ?
Et il convient ici de relire tant les dispositions maritimes concernant l’obligation de mutinerie que les traités fondateurs du devoir de désobéissance civile (à commencer évidemment par Thoreau, avant que nos ‘élites’ votent une Loi concernant ceux qu’il convient de ‘dénumériser’).
Pour finir : si nous étions paranoïaques, et mettions ceci en corrélation avec l’appauvrissement continuel de notre système éducatif, et la main-mise de plus en plus lourde de la loi de marché sur toutes-autres-lois-du-monde-existant-ou-restant à inventer, nous pourrions légitimement nous demander si cet “épisode” ne vise pas à un même but : tuer dans l’oeuf tout principe de science, de réflexion, de création, et donc… de Liberté.
L’Industrie-Reine-du-Monde n’a pas l’usage de citoyens éclairés. Il suffit d’éteindre, une à une, toutes les lumières. Abaisser le niveau de lecture des “consommateurs”, et leurs facultés de jugement et de discernement, puis décourager les penseurs de penser et les artistes (ces agitateurs natifs) d’écrire. Et puis… ? Ah, vous savez bien quoi.
Mais nous ne sommes pas paranoïaques, n’est-ce pas ?
N’est-ce pas ?
N’est-ce pas ?
Voilà le crime. Voilà les acteurs de la pièce. Voilà notre scène posée, et le prolégomène récité.
Tout le monde connaît, en terres de SF, la température de ce fahrenheit. Nul besoin, j’espère, de pousser plus loin ce dessin.
Les auteurs refusent. Tous ceux qui ne le feraient pas seraient des jaunes, des imbéciles, et des imposteurs.
Et beaucoup d’éditeurs, tout autant, refusent. Agir autrement justifierait tout le mal que si souvent, à tort ou à raison, on pense d’eux.
Je me demande ce que les Hommes-Bouliers feraient, si un nombre conséquent de “consommateurs” s’engageaient, par avance, à ne jamais acheter un de ces ouvrages volés, et à boycotter l’intégralité du catalogue des éditeurs “adoptants” qui tremperaient dans cette magouille.
Je me le demande, oui.
Je me demande, plus que tout, si je dois regretter la folie que j’ai faite en livrant mes mots, mon sang, mes rêves, mon âme à cette broyeuse.
C’est sans aucun doute ni aucune restriction ou réserve que j’affirme : si cette “Loi” “avait existé avant 1998 vous n’auriez jamais lu un seul mot de moi.
Mais je me demande aussi, au-delà de la réaction personnelle, nécessairement épidermique, que cette situation m’inflige… à qui profite ce crime.
Bénéfice pour les auteurs = 0
Bénéfice pour les éditeurs traditionnels (de taille petite à moyenne) = 0
Bénéfice pour les lecteurs = 0
Bénéfice pour la “Culture” = 0
Bénéfice pour la diplomatie internationale = 0
Bénéfice pour la paix sociale et la concorde = 0
A qui profite ce crime ?
Sommes-nous dirigés par des P4, des P3, ou est-ce pire encore que cela ?
A suivre….
Léa S.
Principe de Suspension de la Crédulité – Durablement insoluble, dans un univers de plus en plus insalubre.
Pour observer la disgrâce de la BNF, et la dégradation irréparable de ce jadis auguste bâtiment, c’est ici :
http://relire.bnf.fr/accueil
N’oubliez pas vos sels, et vos masques à gaz, surtout !